
Dans le cadre des activités économiques internationales, les professionnels sont quotidiennement confrontés à des réglementations sociétaires diverses, chacune caractérisée par des spécificités qui influencent de manière significative la vie des entreprises. Le droit des sociétés constitue en effet un élément stratégique : de lui dépend la capacité d’un pays à attirer les investissements, à favoriser le développement entrepreneurial et à garantir un environnement compétitif à l’échelle mondiale.
Un cadre juridique solide et moderne ne répond pas seulement à des besoins de régulation, mais représente une condition essentielle pour la stabilité et la durabilité des entreprises à long terme. Les investisseurs, en particulier, doivent pouvoir compter sur des règles claires, flexibles et conformes aux standards internationaux, leur assurant la sécurité nécessaire pour consolider et développer leurs projets.
Une réforme législative offrant davantage de flexibilité et mieux adaptée aux besoins des entreprises individuelles était attendue depuis longtemps.
Au cours des dernières décennies, la Principauté de Monaco s’est progressivement imposée comme un centre international de référence, attirant des familles et des entreprises en provenance de divers pays. Il s’agit, pour une large part, d’investisseurs expérimentés, porteurs d’attentes élevées.
Avec l’adoption de la loi n° 1.573 du 8 avril 2025, qui introduit des modifications substantielles au droit des sociétés, le législateur a répondu de manière concrète à ces attentes. Cette réforme constitue une étape décisive vers la modernisation du système juridique monégasque, renforçant sa capacité à attirer des capitaux étrangers et consolidant le rôle de la Principauté en tant que place économique internationale de premier plan.
Tendance des sociétés à Monaco
Au cours des dernières années, le tissu entrepreneurial de la Principauté de Monaco a affiché une croissance constante ainsi qu’une diversification progressive des formes juridiques choisies par les opérateurs économiques.
L’analyse des données publiées par l’IMSEE (Institut Monégasque de la Statistique et des Études Économiques), issues du Répertoire du Commerce et de l’Industrie et de la publication officielle Monaco en Chiffres (édition 2025), met en évidence l’évolution du nombre d’entreprises actives entre 2019 et 2024.
Note : ¹Données 2024 tirées de l’édition 2025 de Monaco en Chiffres (publiée en 2025), valeurs estimées en l’absence de confirmation textuelle directe dans les documents consultables en ligne au moment de la rédaction.
Les données confirment une demande commerciale croissante et soutenue, portée par la préférence pour des modèles sociétaires offrant un équilibre entre simplicité de gestion et solidité juridique.
Cette évolution souligne la capacité de la Principauté à s’adapter aux besoins des opérateurs économiques, renforçant ainsi sa position en tant que pôle d’attraction international pour les entreprises et les investisseurs.
Droit des sociétés avec la Loi n° 1.573
La loi a introduit des modifications substantielles, concernant en particulier les Société Anonyme Monégasque (S.A.M.) et les Société à Responsabilité Limitée (S.a.r.l.).
Les principaux points de la réforme sont présentés ci-dessous.
1. Personnalité juridique
L’article 1672-5 du Code civil, tel que modifié par la nouvelle législation, établit que :
- pour les sociétés commerciales et civiles, la personnalité juridique est acquise au moment de l’inscription au Registre du Commerce et de l’Industrie ;
- auparavant, la personnalité juridique était acquise dès la signature de l’acte constitutif pour les société civile et au moment de l’obtention de l’autorisation gouvernementale pour les sociétés commerciales.
La réforme résout ainsi un problème pratique important : la constitution de la société pouvait souvent s’interrompre avant l’inscription, exposant les associés à des responsabilités incertaines et à de potentiels conflits juridiques. Grâce à la nouvelle disposition, les associés bénéficient d’une protection plus claire et plus sûre.
2. Acte constitutif de la S.A.M. : plus de flexibilité
Une autre nouveauté significative concerne les modalités de constitution de la Société Anonyme Monégasque. Il n’est plus obligatoire de recourir exclusivement à un acte notarié :
- les parties peuvent désormais choisir entre un acte notarié et un acte sous seing privé, avec l’assistance de leurs avocats ou conseillers. Cette innovation réduit les formalismes et rend la phase de constitution plus rapide et plus flexible.
3. Formalités de publication
La réforme modifie également le régime des formalités de publication :
- le défaut de publication n’entraîne plus la nullité de la société, mais son inopposabilité aux tiers.
4. Conditions relatives aux administrateurs des S.A.M.
Par le passé, les administrateurs d’une S.A.M. étaient tenus de détenir au moins une action de la société pour pouvoir exercer cette fonction. Cette règle, toutefois, s’avérait source de distorsions : les administrateurs participaient à l’assemblée des actionnaires avec droit de vote, risquant ainsi d’influer sur les décisions de l’organe social et, dans certains cas, d’exercer un véritable abus de minorité.
La nouvelle loi supprime cette obligation, restituant aux actionnaires leur pleine autonomie décisionnelle et renforçant la distinction entre fonction de gestion et fonction délibérative.
5. Assemblées et conseils d’administration en visioconférence
L’une des innovations les plus marquantes concerne la possibilité pour le conseil d’administration et pour l’assemblée des actionnaires de se réunir en visioconférence.
- Pendant la pandémie de COVID-19, cette modalité avait été introduite à titre exceptionnel par décisions gouvernementales et, par la suite, autorisée par des modifications statutaires.
- La nouvelle législation rend désormais cette possibilité durablement encadrée, apportant ainsi une sécurité juridique.
- Une ordonnance souveraine définira les dispositions pratiques pour la mise en œuvre de cette mesure.
6. Actions sans droit de vote
La loi prévoit la possibilité que certaines actions d’une S.A.M. soient dépourvues de droit de vote.
- Cette disposition favorise une plus grande diversification de l’actionnariat, en permettant de distinguer entre actionnaires « actifs » (impliqués dans la gouvernance) et « passifs ».
- Il s’agit d’un outil qui peut être utilisé, par exemple, pour attribuer des actions aux employés à titre d’incitation, sans affecter les équilibres décisionnels.
- La mesure s’inspire des pratiques établies dans les systèmes anglo-saxons, où la différenciation des catégories d’actions selon les droits de vote est largement reconnue.
Cette innovation se traduit par une gouvernance sociétaire plus moderne et plus flexible, capable de répondre à des besoins opérationnels diversifiés.
7. Droits des actionnaires minoritaires
Un autre élément important concerne le renforcement des prérogatives des actionnaires minoritaires :
- les actionnaires détenant au moins 10 % du capital social acquièrent le droit de proposer l’inscription de nouveaux points à l’ordre du jour des assemblées ;
- ils ont également la faculté d’adresser des demandes écrites au Président du Conseil jusqu’à deux fois par an.
Avant la réforme, les actionnaires minoritaires ne disposaient pas d’outils formels pour accéder à de tels droits d’information ou de participation, bien que le conseil fût tenu d’agir de bonne foi.
8. Administrateurs et conseils d’administration
La réforme élargit les limites relatives au cumul des mandats :
- les administrateurs d’une S.A.M. peuvent désormais siéger simultanément dans jusqu’à 12 conseils d’administration (contre 8 auparavant) ;
- pour le directeur général, en revanche, la limite maximale reste plus restrictive, fixée à 8 conseils.
9. Sociétés à responsabilité limitée (S.a.r.l.)
La possibilité de constituer une Société à Responsabilité Limitée avec un associé unique est désormais prévue.
- Ce modèle, déjà répandu dans de nombreux systèmes juridiques étrangers, renforce la flexibilité des S.a.r.l., les rendant plus accessibles et adaptées également à des projets entrepreneuriaux individuels.
Conclusion
La loi n° 1.573 marque sans aucun doute un tournant pour le droit des sociétés en Principauté de Monaco.
Les nouvelles dispositions rendent le cadre juridique plus moderne et plus compétitif, le rapprochant des standards européens et offrant aux entreprises des outils plus flexibles pour croître et se consolider.
Il reste toutefois certains domaines à approfondir, en particulier celui des fusions et acquisitions, qui pourront trouver leur place dans de futurs développements législatifs.
Dans ce contexte dynamique, nous, professionnels, avons la responsabilité d’accompagner le changement, en renforçant nos compétences et en les mettant au service d’une clientèle exigeante, qui reconnaît dans la Principauté un environnement idéal pour développer ses projets.